Pour mettre en place cette bataille, on a sélectionné nos 16 films en tenant compte de leur moyenne spectateurs (IMDb et Sens Critique), tout en pondérant parfois quand le résultat paraissait quelque peu incongru (ne pas voir Henry, portrait d’un serial killer parce que sa moyenne était inférieure à, par exemple, Docteur Petiot, ne nous aurait pas apparu des plus judicieux).
Tel un tableau sportif, il y a donc des têtes de série afin d’éviter des affrontements impossibles dès le premier tour. Il y a également deux catégories distinctes.
D’un côté du tableau, nous avons les films inspirés par de vrais tueurs en série. Même s’ils prennent quelques libertés, ils se concentrent vraiment sur des individus qui ont existé et relatent des faits qui se sont passés.
De l’autre côté du tableau, on retrouve les films mettant en vedette des tueurs en série fictifs même si parfois on distingue des similarités avec certains célèbres psychopathes.
The Chaser (2008) de Na Hong-jin
Inspiré du serial killer Yoo Yung-chui (1970-)
Vs
Henry portrait d’un serial killer (1986) de John McNaughton
Inspiré du serial killer, Henry Lee Lucas (1936-1984)
Le premier des duels est sacrément costaud. Malgré son statut d’outsider, Henry, portrait d’un serial killer s’appuie sur un procédé « artistique » d’une force peu commune. Nous sommes au cœur de la vie quotidienne d’un tueur en série (et de son acolyte). Une sorte de documentaire de l’horreur qui rend le film difficilement supportable. Aussi repoussant que fascinant. Malgré toute la virtuosité narrative et technique du film de Na Hong-jin, il ne peut rivaliser avec l’impact du long-métrage de John McNaugthon.
Vainqueur : Henry portrait d’un serial killer
L’Étrangleur de Boston (1968) de Richard Fleischer
Inspiré du serial killer Albert DeSalvo (1931-1973)
Vs
Le Juge et l’assassin (1976) de Bertrand Tavernier
Inspiré du serial killer Joseph Vacher (1869-1898)
Un duel plus facile à départager à nos yeux. Pourtant plus jeune, le film de Tavernier a indéniablement pris un coup de vieux. On apprécie toujours autant le cabotinage contrôlé de Galabru dans le rôle de l’assassin mais le film souffre d’un rythme incertain et paraît bien désuet dans sa charge sociale et politique. Tavernier allait faire beaucoup mieux par la suite. Le film de Fleischer et son utilisation géniale des split-screens garde au contraire toute sa modernité. À la fois suspense redoutable et étude glaçante de mœurs d’un tueur vraiment effrayant de par sa banalité de vie, L’Étrangleur de Boston doit aussi beaucoup à la performance de Tony Curtis. C’est donc une victoire sans appel du Fleischer.
Vainqueur : L’Étrangleur de Boston
Zodiac (2007) de David Fincher
Inspiré du serial killer Le tueur du Zodiaque
Vs
Schizophrenia, le tueur de l’ombre (1983) de Gerald Kargl
Inspiré du serial killer Werner Kniesek
Une opposition radicale de style. Contre tout autre adversaire, l’aspect jusqu’au-boutiste de Schizophrenia aurait permis de l’emporter. A l’instar d’Henry, portrait d’un serial killer, le film de Gerald Kargl n’est pas là pour plaire mais pour nous faire subir une expérience traumatisante. Et il y arrive « magnifiquement ». Mais voilà, en face, il y a Zodiac. Le chef d’œuvre de David Fincher est une leçon de mise en scène à décortiquer sans cesse. On se passionne pour cette (en)quête impossible pour arrêter et démasquer le mystérieux tueur du Zodiaque. Le film est presque hors sujet dans ce tableau puisqu’on n’y voit jamais l’assassin. Et pour cause, aujourd’hui encore, son identité reste un mystère. Mais, rarement un absent n’aura paru aussi présent au sein d’une intrigue.
Vainqueur : Zodiac
Les Tueurs de la lune de miel (1970) de Leonard Kastle et Donald Volkman
Inspiré des serial killers Raymond Fernandez (1914-1951) et Martha Beck (1920-1951)
Vs
L’Étrangleur de la place Rillington (1971) de Richard Fleischer
Inspiré du serial killer John Christie (1898-1953)
Le duel le plus équilibré du premier tour de cette partie du tableau. D’un côté, une série B culte qui mélange les genres pour aboutir un résultat presque expérimental. De l’autre, une œuvre méconnue d’un cinéaste jamais reconnu à sa juste valeur porté par un Richard « papa de Jurassic Park » Attenborough grandiose.
On aurait tendance à ne pas vouloir faire passer un second film de Fleischer mais comment ne pas s’enthousiasmer au plus haut point face à une œuvre qui dresse le portrait saisissant d’un tueur retors tout en imposant un regard social d’une rare acuité.
Vainqueur : L’Étrangleur de la place Rillington
Henry portrait d’un serial killer (1986) de John McNaughton
Vs
L’Étrangleur de Boston (1968) de Richard Fleischer
L’outsider tient toujours bien la corde mais sans doute plus désormais parce qu’il personnifie que trop bien le sujet. Face à lui, il a désormais un sacré client qui parvient à la fois à être un grand film de pur cinéma (toujours ses fameuses séquences de split-screens) tout en parvenant à nous faire entrer, lors de la superbe séquence d’interrogatoire, dans l’intimité du tueur.
Vainqueur : L’Étrangleur de Boston
Zodiac (2007) de David Fincher
Vs
L’Étrangleur de la place Rillington (1971) de Richard Fleischer
Fleischer va-t-il retrouver Fleischer en finale de cette partie du tableau ? Non, car la marche est trop haute tant Zodiac impose constamment sa toute-puissance. Il faudra un Fleischer encore plus fort visuellement pour mettre à mal Fincher. Peut-être au prochain tour ?
Vainqueur : Zodiac
L’Étrangleur de Boston (1968) de Richard Fleischer
Vs
Zodiac (2007) de David Fincher
Un duel épique entre deux cinéastes au style visuel fort. C’est peut-être au niveau des comédiens que se fait la différence. L’ensemble du casting du film de Zodiac livre des prestations absolument vertigineuses (le trio en or Jake Gyllenhaal, Robert Downey Jr., Mark Ruffalo). En face, Tony Curtis met du temps à entrer en piste pour finir en trombe à l’instar d’un autre collègue situé dans l’autre partie du tableau (Perkins en Norman Bates). On choisit Zodiac pour représenter les films de serial killers existant en finale mais que ce fut serré dans notre cœur.
Vainqueur : Zodiac
Psychose (1960) d’Alfred Hitchcock
Halloween (1978) de John Carpenter
On commence fort de ce côté-ci du tableau avec un duel qui pourrait ressembler à une finale. D’un côté, l’un des meilleurs films du maître du suspense. De l’autre, le film qui imposa le nom de Carpenter au plus grand nombre (le film fut longtemps l’œuvre la plus rentable de l’Histoire) et popularisa la mode du slasher. Deux maîtres étalons du cinéma d’horreur. Ça ne se joue à rien mais on élimine le cadet en se disant qu’on a plus à faire à un boogeyman qu’à un serial killer, Carpenter ne donnant pas de visage à son célèbre tueur (au point que le générique du film le désigne sous le nom de The Shape, soit la forme).
Vainqueur : Psychose
M le maudit (1931) de Fritz Lang
Memories of murder (2003) de Bong Joon-Ho
Une sacrée opposition de style. Classique parmi les classiques contre classique moderne d’un cinéaste majeur de notre temps. Là encore, on penche pour l’aîné qui impose l’une des plus incroyables métaphores sur son époque (la monté du nazisme) sous couvert d’un pur film de genre. Et le visage de Peter Lorre traqué par la foule reste un des plans les plus mythiques du cinéma.
Vainqueur : M le maudit
Seven (1995) de David Fincher
Le Voyeur (1960) de Michael Powell
Que de duels de haute volée dans cette partie du tableau. Le film de Powell met en scène un des tueurs les plus tristement attachants de l’Histoire tout en imposant une réflexion sur la fascination et consommation des images d’une acuité visionnaire. Mais, cette fois-ci, la prime à l’ancienneté ne suffit pas. Car, Se7en est ce thriller horrifique qui n’a de cesse de prendre de la bouteille, perfection technique de tous les instants, qui nous entraîne loin dans la noirceur de l’être humain et de la société qui l'a fait naître. Maintes fois copié, le film de Fincher n’a jamais été égalé, voire juste approché.
Vainqueur : Se7en
Le Silence des agneaux (1991) de Jonathan Demme
C’est arrivé près de chez vous (1992) de Rémy Belvaux, André Bonzel et Benoît Poelvoorde
L’affrontement le plus déséquilibré de ce premier tour. Le film du trio belge est évidemment d’une drôlerie sans limite (cette séquence énormissime du petit Grégory) mais la puissance du récit de Demme écrase tout sur son passage. À l’image de son parcours parfait aux Oscars : un des rares films à avoir remporté les 5 plus prestigieuses statuettes (film, réalisateur, acteur, actrice et scénario).
Vainqueur : Le Silence des agneaux
Psychose (1960) d’Alfred Hitchcock
Vs
M le maudit (1931) de Fritz Lang
Le duel des géants. Deux des plus grands cinéastes de l’Histoire. Les deux œuvres les plus iconiques de leur carrière. Cela se joue à rien mais on a l’impression de redécouvrir le film d’Hitchcock à chaque vision.
Vainqueur : Psychose
Seven (1995) de David Fincher
Vs
Le Silence des agneaux (1991) de Jonathan Demme
Les deux meilleurs thrillers des années 90. Et de loin ! Et pourtant, l’affrontement se règle assez vite à nos yeux. Il y a une perfection de la narration associée à des performances d’acteurs extraordinaires qui font que Le Silence des agneaux reste insurpassable.
Vainqueur : Le Silence des agneaux
Psychose (1960) d’Alfred Hitchcock
Vs
Le Silence des agneaux (1991) de Jonathan Demme
Norman Bates vs Hannibal Lecter. Dis comme ça, c’est tout aussi difficile de trancher tant on est en présence de deux membres du top 5 des meilleurs méchants de l’Histoire. Assurément, les deux films font partie des 50 meilleurs films de tous les temps. Le temps a fait son œuvre et Le Silence des agneaux a gagné amplement ses galons de classique absolu et peut regarder droit dans les yeux le film d’Hitchcock. Ce dernier pourrait voir se reprocher que ce n’est pas forcément le meilleur de son auteur. On serait donc tenté de voter pour le Demme mais c’est encore sans doute un peu trop tôt. À l’image de son final tétanisant, Psychose remporte de peu le match.
Vainqueur : Psychose
Psychose (1960) d’Alfred Hitchcock
Vs
Zodiac (2007) de David Fincher
L’affrontement final. Malheureusement, malgré tout le bien que l’on pense du film de Fincher, aisément l’un des tous meilleurs sortis depuis 20 ans, le duel est trop déséquilibré. Psychose, c’est le film de genre parfait. Hormis la scène de la douche, insurpassable moment de pur cinéma, le film d’Hitchcock contient un lot de séquences à la modernité encore aujourd’hui saisissante (ah ce meurtre du détective). On n’a finalement qu’un regret face à un tel monument : ne pas avoir eu la chance de le découvrir en salle à l’époque.
Vainqueur : Psychose
Publié le 05/03/2018 par Laurent Pécha