Pour confectionner ce top 10, nous nous sommes axés principalement sur la capacité des films à nous montrer avant tout à quel point il est difficile d’exercer les métiers de la terre. Le cœur du récit devait donc être tourné sur les enjeux de survie en milieu paysan. C’est ainsi que vous ne retrouverez pas par exemple le sublime film de Malick, Les Moissons du ciel.
Black sheep (2008) de Jonathan King
On commence en force avec un film horrifique comique qui peut facilement vous passer l’envie de devenir un jour berger si jamais l’idée vous a traversé l’esprit. Marchant sur les traces de son célèbre compatriote, Peter Jackson qui avait démarré avec un Bad taste complètement barré, Jonathan King met aux prises des fermiers face à leur bétail devenu des monstres assoiffés de sang suite à des manipulations génétiques. Assumant totalement son côté gore et déjanté, Black sheep n’est pas une date incontournable du genre, mais reste absolument réjouissant de bout en bout.
L’Homme du sud (1945) de Jean Renoir
Film complétement méconnu de la période américaine du grand cinéaste Jean Renoir, L’Homme du sud a permis à son auteur d’être nominé à l’Oscar du meilleur réalisateur. Dans la droite lignée des Raisins de la colère de John Ford mais avec un ton bien plus léger, le film s’avère une vraie curiosité de par la capacité qu’a eue Jean Renoir à intégrer absolument toutes les valeurs américaines. On retrouve la patte de l’auteur de La Règle du jeu dans sa capacité à brosser le portrait de ces fermiers luttant avec cœur contre l’adversité.
Les saisons du cœur (1984) de Robert Benton
En 1984-1985, le cinéma d’auteur américain a semble-t-il été investi d’un désir de montrer les conditions difficiles dans lesquelles les fermiers vivaient. Pour preuve, la présence de trois films de cette époque dans notre top. Mieux, les comédiennes principales de ces trois films se sont affrontées à l’Oscar de la meilleure actrice. Et c’est Sally Fields pour Les Saisons du cœur qui l’a emporté, empochant sa seconde statuette après celle reçue pour Norman Rae. Superbement entourée (Ed Harris, Danny Glover, John Malkovich, Terry « Lost » O’Quinn), la comédienne joue sur du velours avec cette veuve qui doit tenter de faire tourner sa ferme malgré les dettes et la dureté de la tâche. Signé par le réalisateur de Kramer contre Kramer, le film s’appuie sur un solide récit (Oscar du meilleur scénario à la clé) qui donne l’occasion à son prestigieux casting de briller (joli numéro de Malkovich en aveugle désœuvré).
Country, les moissons de la colère (1984) de Richard Pearce
« Dans ce pays, quand la terre est ta vie, tu te bats pour ta vie ». L’accroche annonce la couleur et résume parfaitement l’intensité du film et du jeu de son actrice principale, Jessica Lange à qui on aurait donné la statuette plutôt qu’à Sally Field. Aux côtés de son compagnon de l’époque, l’immense Sam Shepard, miss Lange donne tout et fait montre d’une conviction absolue pour conjurer le sort qui s’abat sur sa famille. Un beau film féministe qui rappelle à quel point l’homme n’est presque rien sans la femme.
La Rivière (1984) de Mark Rydell
Sissy Spacek est la troisième nominée à l’Oscar de la meilleure actrice en cette année 1985. Habituée des lieux à cette époque (5 nominations entre 1977 et 1987 et un Oscar à la clé pour Nashville lady), la géniale comédienne est pourtant plus en retrait dans cette histoire de fermiers ne voulant pas abandonner leurs terres pourtant en danger d’être inondées. C’est un jeune et beau Mel Gibson, alors au début de sa carrière américaine, qui marque durablement les esprits. Il incarne à la perfection la dignité et la conviction de ce fermier prêt à tout pour faire vivre sa famille sur sa terre natale. Filmé sans génie par le réalisateur de The Rose, La Rivière est un joli petit film oublié rehaussé par une formidable bande originale de John Williams, le thème principal étant comme toujours chez le maestro un petit bijou.
Petit paysan (2017) de Hubert Charuel
César amplement mérité du premier film, Petit paysan étonne par sa capacité à mélanger les genres. Proche du documentaire dans sa capacité à nous plonger au cœur d’un élevage de vaches en difficulté, le film d’Hubert Charuel (retrouvez son quiz cinéma ici) prend des allures de thriller quand il s’agit pour son héros de lutter contre une contamination avérée qui met en péril son exploitation. Avec ses deux épatants acteurs principaux, Swann Arlaud et Sara Giraudeau qui n’ont pas volé leur César d’interprétation, Petit paysan s’impose comme l’une des plus belles surprises que le cinéma français ait pu nous offrir ces dernières années.
Jean de Florette (1986) de Claude Berri
On aurait pu citer presque tous les Pagnol tant le thème du travail de la terre et la condition paysanne sont au cœur de son œuvre. On a choisi la plus célèbre de ses adaptations. Avec son casting qui fait rêver (Depardieu, Montand, Auteuil), le Jean de Florette de Claude Berri est un poids lourd absolu du cinéma français. Avec plus de 7 millions de spectateurs lors de sa sortie et des multidiffusions à la télévision, le film est entré dans notre patrimoine cinématographique. Il n’a rien perdu de son charme et parvient même à échapper à son cadre de dépliant touristique grâce notamment à l’intensité du jeu de ses comédiens magnifiant l’éternelle tragédie de la cupidité des hommes.
Babe, le cochon dans la ville (1999) de George Miller
Dans un premier temps, on frise le hors-sujet. Pourtant, à y regarder de plus près, la survie de la ferme est au cœur de l’intrigue. C’est pour tenter de sauver la ferme qui l’a accueilli que notre cochon préféré, Babe, part en ville. Cela donne l’occasion à George « Mad Max » Miller d’exploser en inventivité le film original qui tenait avant tout par son procédé rigolo des animaux parlants. Suite humaniste qui règle ses comptes avec une société cupide, Babe, le cochon dans la ville n’est qu’amour de l’autre. C’est une œuvre importante et bien trop souvent oubliée qui devrait être obligatoire à l’école et plus généralement un peu partout pour nous rappeler les préceptes du savoir-vivre. Le monde n’en serait que meilleur !
Jusqu’au bout du rêve (1989) de Phil Alden Robinson
Film profondément américain, au point de ne pas être assez reconnu de ce côté-ci de l’Atlantique, Jusqu’au bout du rêve est une fable humaniste comme on les aime. Il y est question d’un fermier prêt à mettre en péril son exploitation pour construire un terrain de base-ball sur son champ de maïs parce qu’il est persuadé que cela va faire revenir les fantômes des grands joueurs. Porté par Kevin Costner, le plus américain des acteurs de sa génération, l’incarnation parfaite de la noble Amérique, le film de Phil Alden Robinson est d’une poésie folle. Son message rempli de bons sentiments mettant en avant l’importance de tenir bon face à l’adversité et de croire en ses rêves, aurait pu être mièvre. Il est tout le contraire et nous touche profondément. Un vrai film culte !
Les raisins de la colère (1940) de John Ford
Un numéro 1 presque comme une évidence. Un incontournable de la littérature qui est devenu un film tout aussi majeur. L’un des plus célèbres de son auteur. Alors bien sûr, on est ici plus dans la fuite vers un avenir meilleur et non dans la lutte pour faire tenir coûte que coûte l’exploitation déjà existante. Mais, comment passer à côté d’une œuvre bouleversante qui montre ces familles désœuvrées partant sur la route dans un exode forcé avec l’espoir infime d’avoir une vie décente. Dans l’un des plus beaux noir & blanc du monde, Les Raisins de la colère prend aux tripes comme peu de films ont su le faire avant et après.
Publié le 14/07/2018 par Laurent Pécha