Pays : France
Durée : 1h46
Genre : Polar / Thriller
Sortie : 5 avril 2017
Réalisateur : Eric Valette
Distribution : Tomer Sisley, Terence Yin, Pascal Grégory, Stéphane Debac,...
Histoire : En cavale, un motard blessé tue un gang de trafiquants de drogue. Il se réfugie dans une ferme prenant en otage ses habitants. Ne voulant pas que cette tuerie reste impunie, le chef du cartel envoie son tueur à gages à ses trousses.
Scénario : Le début peut paraître complexe tant les personnages se multiplient. De plus, les tenants et aboutissements des différents protagonistes ne sont pas établis avant de longues minutes. Pour autant, on se prend très vite au jeu, passionné par la tragédie qui se noue. Sans doute parce que le scénario a l’intelligence de nous faire vite comprendre que notre patience sera récompensée et que toutes les ramifications des différentes intrigues vont bien converger vers un lieu unique. Les auteurs ont également eu la bonne idée de se rappeler à tout un pan du cinéma français des 70’s. En résulte une œuvre un peu hors du temps, anachronique par rapport à ce que le polar hexagonal peut nous offrir depuis de nombreuses années. C’est un risque que le film prend avec ses spectateurs mais on trouve qu’il est gagnant tant plane sur les personnages une dangerosité que l’on a vraiment plus l’habitude de voir. Le seul bémol viendrait finalement des dialogues qui paraissent un peu trop fleuris ou appuyés par moments. Là aussi, cela sent bon le cinéma d’antan mais pas sûr que le public d’aujourd’hui s’y retrouve totalement.
Réalisation : Le réalisateur Eric Valette est un grand fan du cinéma d’Yves Boisset (Dupont Lajoie, Le prix du danger) et de Sam Peckinpah (La horde sauvage). Et cela se voit tant il réussit joliment à leur rendre hommage mélangeant habilement l’aspect social cher à Boisset (le racisme des villageois que l’on croirait sorti justement de Dupont Lajoie) et la montée de la violence qui finit par exploser (l’ultime gunfight et son côté western très réussi). Il y a aussi un sens de la lente (sans que ce mot soit péjoratif) mise en place de l’intrigue qui n’est pas sans rappeler John Carpenter, un autre des cinéastes fétiches de Valette. On soulignera la superbe photo du film signée Jean-François Hensgens qui réussit sans cesse à magnifier les décors nocturnes, l’histoire se déroulant le plus souvent de nuit.
Interprétation : Le film offre à de nombreux comédiens l’occasion de briller. Il y a ainsi une multitude de seconds rôles, jamais petits tant ils ont tous une importance dans le déroulement de l’intrigue. On aime ainsi la droiture de Pascal Grégory, parfait dans le rôle du flic idéaliste qui veut aller au bout de son enquête. La femme du fermier campée par Erika Sainte apporte une présence bienvenue dans un monde totalement masculin. On aurait peut être aimé que la relation qu’elle noue avec le « héros » joué par Tomer Sisley soit un peu plus ambigüe. Concernant Tomer Sisley, il sera une belle surprise pour ceux qui avaient son rôle de Largo Winch en mémoire. Avec son crâne rasé, sa quasi absence de dialogues, il propose une prestation tout en physique et attitude qui pourrait donner à d’autres cinéastes dans l’employer dans un registre plus badass. Enfin, et c’est la grande révélation du film, Terence Yin dans le rôle du tueur à gage sanguinaire est génial. Eric Valette semble en vouloir faire le personnage principal du film et on le comprend tant le charisme du comédien est grand. On se rappelle que Hitchcock racontait que plus le méchant du film était réussi, plus le film l’était. Et bien, cela fait très longtemps que l’on n’avait pas vu cet adage aussi bien transposé sur grand écran. A tel point que Le Serpent aux mille coupures vaut le coup d’œil rien que pour la prestation de Terence Yin.
A savoir : Le film a reçu une classification interdit aux moins de 16 ans que l’on juge bien sévère eu égard à ce que le cinéma américain est capable de nous proposer sans pour autant subir le même classement. Bien sûr, le film n’est pas pour des jeunes adolescents mais la violence n’y est jamais frontale. C’est plus la réussite artistique évidente de la séquence de torture de la jeune femme nue que les images filmées (à un plan près, tout y est hors champs) qui a provoqué un tel classement. Quand on sait qu’une interdiction aux moins de 16 ans fragilise encore plus la carrière économique d’un film déjà fragile de par sa singularité et son jusqu’en boutisme, on ne peut regretter amèrement cette décision.
En bref : Le polar français de l’année.
Publié le 03/03/2017 par Laurent Pécha