Depuis Gunman, trois ans se sont écoulés. Comment as-tu vécu l’échec du film et qu’as-tu fait pour rebondir ?
Je suis content d’avoir fait ce film. J’ai été ravi de tourner avec Sean Penn. Le film n’a effectivement pas rencontré son public mais quand les gens m’en parlent, c’est souvent de façon sympa. Après, il a fallu se remettre au travail, j’ai fait de la télé (NDLR/ Il a signé notamment un remake télé du Clan de la caverne des ours) et j’attendais de lire un scénario qui me plaise vraiment. Et Peppermint est arrivé.
Et parmi les projets auxquels tu étais attaché, il y a le fameux Dune que Denis Villeneuve s’apprête à faire.
Ah Dune ! C’est un film que j’aurai vraiment aimé faire. Le roman a bercé mon enfance et adolescence. Je l’ai lu tant de fois. J’ai préparé à l’époque le film pour Paramount. C’était juste après From Paris with love. Paramount a eu peur car c’est une franchise particulière. C’est de la SF tellement barrée qu’à part David Lynch personne n’avait osé s’y coller. Et maintenant Denis Villeneuve semble bien parti pour livrer sa version. Effectivement, j’ai un gros regret de ne pas avoir pu mener à bien ce projet même si à l'époque ce n'était pas la bonne production et le bon studio pour le film.
Pourquoi avoir choisi en particulier le scénario de Peppermint ?
Des scénarios de films d’action, j’en reçois des kilos. Et généralement la trame dramatique me fait un peu chier. Et celui-là, même si la trame est assez simple, m’a plu. J’ai tout de suite connecté avec le personnage principal. Pourtant, je ne suis pas spécialement un amoureux des films de revanche. Cela ne véhicule pas un message très positif. Tuer des gens, c’est mal et ça ne ramène jamais personne.
Comment as-tu abordé le dosage du film, entre sujet sérieux et mise en images attractive pour mettre en avant l’action ?
Si on se lance dans un traitement trop sérieux, cela devient un sujet de société et on perd forcément le fun. La moindre scène d’action deviendrait alors du voyeurisme et je ne voulais pas de ça. Là, je trouve qu’on achète bien les raisons qui la poussent à agir comme elle le fait. C’est une maman, on a tué sa fille (et son mari). Cela l’autorise à faire tout ce qu’elle fait, mais il ne faut surtout pas alors à se mettre à la juger. A aucun moment, je me permets de donner des leçons de morale sur l’utilité de l’auto-justice.
Le film débute au moment où elle est déjà en mode vengeur. Pourquoi avoir choisi cette narration qui fait appel au flash-back ?
Déjà, ça change un peu de ce que l’on a l’habitude de voir. Mais, surtout, ça permet de zapper la partie chiante du récit qui concerne la manière dont elle devient une tueuse, comment elle s’entraîne, … C’était dans le scénario à la base. En mode G.I Jane. On la voyait faire des pompes et tout le folklore de ce genre de transformation. Cela ne m’intéressait pas du tout. Quant à la crédibilité de passer d’une mère de famille à une tueuse implacable, il suffit de voir comment on arrive aujourd’hui à transformer des enfants, des adolescents en assassins. En 5 ans, il y a largement le temps de changer et de devenir une autre personne avec des aptitudes physiques et mentales totalement différentes.
A quel moment Jennifer Garner est arrivée sur le projet ?
J’ai d’abord rencontré le scénariste. Il me raconte le pitch de l’histoire qui me fait marrer. Un mois plus tard, il me fait parvenir le scénario fini. A la lecture, je suis toujours autant séduit et j’accepte d’être attaché au projet. Et là commence le business d’Hollywood et la valse des agents. Chacun d’entre eux donne à lire le scénario à leurs différents clients et un des premiers à lire fut Jennifer Garner. Elle a demandé à me rencontrer dans la semaine où elle a reçu le scénario. Je suis super content car à l’image de ce qu’on avait fait pour Taken, avant de chercher un héros de film d’action, tu cherches un acteur qui sera crédible pour incarner le personnage. Les studios ne voulaient pas de Liam Neeson à l’époque. Ils voulaient un jeune premier. Je leur ai dit non, leur expliquant qu’il fallait que cela soit un paternel. Et sur Peppermint, c’est pareil. Tu as besoin d’avoir une maman pour que cela soit crédible. Et Jennifer est absolument parfaite pour ça. C’est la maman dans toute sa splendeur. Elle est adorable, toujours prévenante avec tout le monde, soucieuse du bien-être des gens qui l’entourent. Cerise sur le gâteau, Jennifer a prouvé par le passé à quel point elle était à l’aise avec les scènes d’action. A l’image de ce qu’elle faisait dans la série Alias. Elle a juste eu besoin de s’entraîner à nouveau. En dehors de certains sauts dangereux, c’est elle qui fait toutes ses cascades. Elle a appris toutes les chorégraphies de combat. Elle s’est préparée pendant plus de trois mois pour être au top de sa forme.
Le soin apporté aux différents décors saute aux yeux donnant l’impression que le film a coûté bien plus cher que son budget finalement moyen pour Hollywood.
Ce ne sont pourtant que des décors naturels. Effectivement, on a pris le temps de chercher des lieux qui ont de la gueule. La maison du trafiquant par exemple existe bel et bien du côté de Malibu. On a tout de suite vu le potentiel de la baraque d’un point de vue visuel. On s’est amusé comme des fous avec le hangar de pinatas. Dans le scénario, il n’y avait marqué que hangar. Et c’est toujours la même chose dans les films : c’est grand, c’est gris et il y a plein de fumée. On a donc cherché autre chose et on est tombé sur cette rue entière à Los Angeles de magasins de pinatas avec derrière que des hangars pour stocker les marchandises. Il y en a de toutes les sortes et de toutes les tailles. Et surtout, c’est un festival de couleurs. Ce qui nous a permis de proposer autre chose. On a l’habitude dans un film d’action d’avoir un look désaturé et là d’un seul coup, on a le droit à une explosion chromatique. J'ai aimé le contraste que cela procurait : une séquence d’action où tout le monde s’entretue dans un décor qui respire la fête.
La moustache de ton méchant, c’est un hommage à Commando et son iconique bad guy, Bennett incarné par Vernon Wells ?
Je vais te décevoir mais non, Juan Pablo Raba avait déjà sa moustache quand je l’ai rencontré pour le rôle.
Pierre Morel (c)Aude Boutillon
Remerciements à Olivia Malka et Zvi David Fajol
Publié le 14/09/2018 par Laurent Pécha