Buffalo 66 de Vincent Gallo
Premier film en tant que réalisateur du comédien Vincent Gallo, Buffalo 66 va chercher directement son inspiration dans le cinéma de Cassavetes à qui il emprunte le grand Ben Gazzara pour des séquences dans l’intimité où l’acteur excelle aux côtés d’une formidable Angelica Huston.
D’une sincérité à fleur de peau, cette histoire d’un paumé enlevant une jeune fille pour la faire passer pour sa compagne au repas familial offre aussi l’occasion d’apprécier la polyvalence du jeu de la jeune Christina Ricci, loin des rôles qui l’ont fait connaître (La Famille Adams, Casper).
Brouillant les cartes d’un récit que l’on pourrait croire autobiographique (Gallo a avoué depuis que c’est de son père qu’il s’inspirait pour son personnage), l’apprenti cinéaste signait une première œuvre forte. Des promesses de cinéma qu’il n’a jamais vraiment confirmé par la suite malgré le scandale qui accompagna son sulfureux The Brown Bunny.
Harem (1985) d’Arthur Joffé
Dans les années 80, il suffisait de placer Nastassja Kinski dans un premier rôle et vous aviez de la chance que votre film soit des plus regardables. Le talent et beauté de la jeune comédienne étaient à leur zénith : elle irradiait la moindre parcelle de pellicule. On comprenait ici aisément qu’elle se fasse kidnapper par un Cheikh tombé sous son charme. Placée dans son harem (d’où le titre d’un film qui ne ment pas sur la marchandise), la jeune femme imposait un regard occidental qui détonnait et fascinait son kidnappeur (Ben Kingsley, oscarisé deux ans auparavant pour Gandhi).
Leur histoire mise en scène platement par Arthur Joffé (cinéaste français n’ayant aucun lien de parenté avec le réalisateur de Mission) n’est pas des plus passionnantes mais l’alchimie entre les deux acteurs suffit à notre bonheur. Et il y a ce visage, ce regard de Nastassja qui nous fait chavirer dans un autre monde.
Woody et les robots (1973) de Woody Allen
En 1973, Woody n’est pas encore le cinéaste d’Annie Hall. Il est encore ce clown névrosé adepte de la farce et la satire, et qui ose les mises en situation les plus farfelues (il vient de signer Tout ce que vous avez toujours voulu savoir sur le sexe…).
Dans Woody et les robots et son look futuriste anachronique, il dirige pour la première fois celle qui allait être une de ses muses, Diane Keaton et l’enlève pour tenter de fomenter une révolution pour abattre un régime totalitaire où les ordinateurs et robots règnent en maître.
Désuet mais complètement barré, son film est une œuvre SF à nul autre pareil. Techniquement perfectible mais terriblement plus attachante que ce que le cinéaste propose désormais aujourd’hui.
Attache-moi ! (1990) de Pedro Almodovar
Première vraie collaboration entre Pedro Almodovar et Victoria Abril (la comédienne avait un tout petit rôle dans La loi du désir), Attache-moi ! est l’une des plus belles réussites du cinéaste ibérique. Huis-clos aussi coloré qu’étouffant à la sexualité assumée, le film met en scène un duo torride dont l’histoire d’amour sadomasochiste cache une sensibilité exacerbée. Drôles et touchants, les amants magnifiquement campés par Abril et Banderas donnent leurs lettres de noblesse au syndrome de Stockholm.
King Kong (1976) de John Guillermin
Il y avait le choix entre les versions de King Kong. Si, bien sûr, en termes de qualités purement cinématographiques, c’est le film de 1933 qui s’impose, il en va différemment avec l’angle de notre dossier. Si Fay Wray jouait sur l’aspect « damsel in distress », Jessica Lange entretient dans la version 1976 une relation bien plus ambiguë avec le gorille géant. Une relation que Naomi Watts reproduira dans la version Peter Jackson de 2005.
Jeff Bridges, déjà barbu, a beau tenté de voler à la rescousse de sa belle, Lange a de plus en plus le béguin pour son singe protecteur. A ce titre, le final à New York est particulièrement réussi et aura fait couler quelques larmes aux jeunes cinéphiles scotchés devant leur télé dans les années 80. En 1976, pour la première fois, Jessica Lange apparaissait au cinéma et chamboulait quelque peu notre perception du monde.
Les trois jours du condor (1975) de Sidney Pollack
Être enlevée par Redford, cela pourrait être pour beaucoup l’assouvissement d’un fantasme. Dans Les trois jours du Condor, Faye Dunaway voit d’un tout autre œil l’intrusion de cet espion pourchassé et trahi par les siens. Pourtant, il ne lui faudra pas beaucoup de temps pour craquer et tomber dans les bras du beau Robert. Un couple de cinéma mythique pour un des grands thrillers des 70’s au suspense toujours aussi parfait. Une époque où le cinéma américain populaire se dotait aussi d’un cerveau.
Tarzan, l’homme singe (1932) de W.S. Van Dyke
«Tarzan, Jane ». Deux prénoms légendaires pour une histoire où le syndrome de Stockholm a fonctionné à plein régime. Les versions de Tarzan sont légions au cinéma. Mais celle de 1932 avec Johnny Weissmuller reste la plus mythique. Elle représente toute une époque, celle où Hollywood était aux prises avec le Code Hays et devait jouer avec les censeurs. Et dans ce cadre-là, le récit de la belle civilisée qui tombe sous le charme de son kidnappeur d’homme singe possède des attraits inaltérables. A commencer par être finalement une savoureuse screwball comedy avant l’heure située dans un décor des plus exotiques.
Hors d’atteinte (1998) de Steven Soderbergh
Contrairement aux autres films sélectionnés dans ce dossier, le kidnapping ne prend pas une place importante dans Hors d’atteinte puisque Jennifer Lopez est très vite libérée des griffes de George Clooney. Mais leur envoutant et sensuel échange dans le coffre arrière d’une voiture a fait son effet (détail amusant : ils y évoquent Les 3 jours du Condor, remettant en cause la crédibilité de l’histoire d’amour entre Redford et Dunaway).
Jennifer Lopez, pourtant marshal et représentante de la loi, a toutes les peines du monde à vouloir arrêter le criminel en fuite qu’interprète Clooney. Ils sont irrémédiablement attirés l’un par l’autre et Soderbergh d’orchestrer un sophistiqué et classieux jeu du chat et de la souris. Dans l’éclectique et pas toujours optimale filmographie de Soderbergh, Hors d’atteinte fait figure de premier de la classe.
Un monde parfait (1993) de Clint Eastwood
On avait déjà évoqué le film de Clint Eastwood dans notre dossier sur les meilleurs road movies tragiques. Impossible de ne pas le mettre à nouveau sous la lumière tant il nous plonge avec émotion dans un voyage initiatique où un jeune garçon enlevé par un criminel en fuite va se trouver un père de substitution. L’alchimie entre Kevin Costner et le jeune comédien s’avère incroyable et les séquences de comédie où les deux personnages s’apprivoisent, touchent plus d’une fois au cœur. Un des grands films de son auteur !
La Chair et le sang (1985) de Paul Verhoeven
Ultime film européen de Paul Verhoeven qui lui ouvrit les portes d’Hollywood où il allait enchainer avec Robocop, La Chair et le sang est un film moyenâgeux comme on en voit peu. Âpre, violent, sans concession, il montre l’époque médiévale sous son jour le plus sombre.
Un temps où l’innocence était vite perdue comme le constate la jeune princesse (extraordinaire Jennifer Jason Leigh dans le rôle qui l’a révélé) enlevée par des brigands et qui tombe sous l’emprise de leur meneur (charismatique Rutger Hauer, alter ego du cinéaste). Une attirance de paille tant cette dernière a compris que son salut passait par l’allégeance au plus dominant. Quitte à retourner sa veste au moment opportun.
Du sexe, de la chair, du sang et de la trahison à tous les étages, le programme s'avère des plus réjouissants pour ceux qui ne croient pas à la bonté de l’âme humaine. Avec un tel pamphlet subversif et provocateur, Verhoeven était bien prêt à mettre à mal la machine hollywoodienne. Pour notre plus grand bonheur !
Publié le 21/04/2018 par Laurent Pécha